A) PRISE DE CONSCIENCE DE LA PAUVRETE DANS L'ABONDANCE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL: RELATIVITE DE LA NOTION DE PAUVRETE

La Pauvreté n'est évidemment pas l'apanage des Sociétés technolo­giquement développées. Bien au contraire, une rapide incursion histo­rique nous montrerait:

  • qu'au stade pré-industriel où la pénurie était le lot de la grande majorité, presque tous participaient peu ou prou de cet état de pauvreté;
  • qu'au XIXème siècle, durant la première phase de la révolution industrielle, la pauvreté demeurait le lot du plus grand nombre (croissance économique sans élévation du revenu indi­viduel des masses, industrialisation et urbanisation croissantes provoquant la prolétarisation de nombreux ouvriers... et paysans (début exode rural massif, thème des inégalités providentielles cher aux "libéraux; loi du salaire "naturel"; théorie de la paupérisation de Marx, etc.);
  • que c'est dans la première phase d'expansion du capitalisme libéral (1900-1950), sous l'influence de facteurs variés (2), qu'une partie non négligeable des populations des pays développés a. commencé à accéder à un début d'aisance.

Comme Galbraith l'a bien mis en valeur, l'état de pauvreté a cessé dès lors d'être celui de la majorité. Mais cet état demeure. La crois­sance, de par son dynamisme "naturel " dans une économie dite "de marché ", suscite des inégalités (que sont loin de compenser les politiques de redistribution de revenu (3); consolide ou crée la pauvreté, voire la misère. En fait, c'est parce qu'il y a croissance et que beaucoup "s'enrichissent" que l'on prend conscience de façon plus aiguë de l'état de pauvreté des "moins favorisés ", des "laissés pour compte". "La pauvreté devient visible et mesurable parce qu'une partie plus grande de la population parvient à y échapper".

De ces constatations, il ressort que la notion moderne de pauvreté est par essence relative. Galbraith écrira (4): "Les gens sont dans le dénuement quand leur revenu, même s'il leur permet de survivre, se trouve nettement au-dessous de celui de l'ensemble de la communauté ".

(2) Il faut souligner ici l'influence décisive en la matière des deux conflits mondiaux. Les Etats sont contraints de mobiliser toutes leurs ressources financières, économiques et sociales; la conséquence en est que les classes dominantes sont obligées de faire des concessions importantes, d'où l'apparition ou la consolidation des classes moyennes.

(3) Toutes tes statistiques (U.S.A., Canada, Europe Occidentale) le prouvent surabondamment. Dans le cas de la France, cf. notamment:

— "Consommation et mode de vie ". Commissariat général du Plan, juillet 1969 (p. 35 et suivantes).

(4) "La Société d'abondance ", p. 301.

Les pauvres dans les sociétés riches - p.2