procurait de l'extrême archaïsme de ces institutions qu'allait se poser précisément la question du fondement actuel de leur survivance. Et c'est pourquoi, dans le présent chapitre, elle passe tout naturellement le relai à la sociologie, qui a pour caractère distinctif de penser les phénomènes sociaux dans leurs rapports mutuels au sein d'une totalité synchronique.

Sans doute la sociologie met-elle en évidence autant les contradictions et les décalages que les affinités fonctionnelles, attestant ainsi que sa théorie ne peut se distinguer radicalement de celle de l'histoire. Mais pour autant qu'elle se définit, selon l'expression de Mauss, comme science du "fait social total", elle implique également la mise en oeuvre d'une théorie de la structure sociale : dans le cas présent, par exemple, elle s'interrogera sur la fonction actuelle des institutions juridiques au sein d'un système socio-économique déterminé. Il en résulte qu'il ne peut y avoir simple conti­nuité entre ce chapitre et ceux qui le précèdent. L'hypothèse explicative en effet ne découle pas naturellement de l'obser­vation ou de la description pure des faits ; elle implique au contraire le recours à une théorie et constitue une jure par rapport à la connaissance empirique que l'on peut posséder par avance de la réalité. Comme l'a mis en évidence Bachelard à proposdes sciences de la nature, il s'agit d'une véritable construction que valide sa capacité à rendre cohérentes les connaissances acquises et à en engendrer de nouvelles (I). Ces notions de "rupture" et de "construction", élaborées par l'épistémologie des sciences de la nature et des mathématiques, sont désormais familières à celle des sciences sociales (2). "Ce ne sont pas", écrivait déjà Max Weber, "les rapports réels

LES INSTITUTIONS DE LA PECHE MARITIME - HISTOIRE ET EVOLUTION - p.296