Royaume-Uni ou l'Allemagne (52). C'était là un premier avantage objectif non négligeable procuré par le système à l'armement au commerce et à la pêche et qui joua pleinement jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. D'autre part, la composition socio­professionnelle de cette population, en quelque sorte fixée à l'océan, était telle que les pêcheurs artisans particulièrement nombreux s'orientaient en cas de difficultés économiques - tout au moins pour une partie d'entre eux - vers la pêche indus­trielle et cela d'autant plus aisément qu'ils ne pouvaient pratiquement quitter le secteur maritime pour les raisons déjà indiquées et aussi par manque de qualification professionnelle. Des migrations de cette sorte, d'un type de pêche à l'autre, accompagnées parfois de déplacements géographiques importants, comme ceux des marins bretons vers les ports de La Rochelle et Boulogne-sur-Mer, s'effectuèrent sur uns large échelle (53) au cours des années trente. Dans ce contexte général et à la lumière de ces pre­mières observations, on comprend déjà mieux les raisons qui ont amené l'armement à la pêche et au commerce à prendre posi­tion de façon constante - et particulièrement au XIXe siècle -en faveur du régime spécial de pension des inscrits maritimes; "a contrario", on verra plus tard que les conditions interna­tionales de recrutement des équipages des navires marchands ayant changé, et le statut du "marin professionnel" étant de ce fait considéré comme une entrave à l'embauche d'une main-d'oeuvre étrangère (d'un coût financier moindre) par l'armement au commerce, ce dernier combat aujourd'hui ce statut avec la même constance qu'il mit autrefois à soutenir le régime,bé­néfique pour lui,de l'Inscription maritime. - Le Code du Travail Maritime et le Régime disciplinaire et pénal. Il est apparu dans le chapitre premier de cette étude, et dans le chapitre IV (54), que le Code du Travail Ma­ritime demeurait sur beaucoup de points archaïque, en retrait par rapport à la législation générale. Embarquement lié au navire, embauchage direct donnant souvent lieu à des abus (55), modalités de licenciement beaucoup moins favorables aux travailleurs qu'à terre (en particulier délai de préavis très court), absence d'une véritable inspection du travail (56), telles sont quelques-unes des dispositions du Code qui appa raissent aujourd'hui, à la lumière de l'évolution du droit so cial, fort désuètes. Sans doute, dans la Marine de commerce, les conventions collectives ont-elles quelque peu tempéré (surtout depuis la Seconde Guerre mondiale) certaines de ces clauses, en particulier celles ayant trait à l'absence de sécurité dans l'emploi ; mais à la pêche, hormis quelques exceptions très récentes et fort heureuses, comme à Boulogne-sur-Mer par exemple (57), il en est allé différemment : non seulement aucune modification de cette sorte n'a été le plus souvent effec tuée, mais les pouvoirs du capitaine, en particulier en matière d'embauche, de licenciement, d'organisation du travail à bord, ont été expressément précisés ; on a pu constater dans le cha pitre IV que ces pouvoirs étaient très étendus et prêtaient souvent à arbitraire. D'autre part, le Code du Travail Maritime, en mentionnant dans son article 31 comme mode de rétri bution possible les "profits éventuels", a donné une base ob jective à cette forme de rémunération et l'a en quelque sorte officialisée ; or il a été également observé que cette pratique de la rémunération à la part n'était pourtant pas sans présen­ter, dans ses formes actuelles tout au moins, de très graves inconvénients pour les équipages. Enfin, los prescriptions du Régime disciplinaire et pénal, relatives aux pouvoirs du capi­taine en matière de répression des fautes contre la discipline, n'ont pu que renforcer chez les équipages - comme on l'a vu antérieurement - une attitude de dépendance peu propice à l'af­firmation des droits de chacun et à la contestation môme justi­fiée.

De ce rappel rapide d'observations essen­tielles, il ressort donc que, dans le secteur des pê­ches plus spécialement, cette réglementation d'excep­tion du Code du Travail Maritime, ainsi que les con­ventions collectives qui en sont issues, empêchant par leur existence môme l'application sur des points essentiels (comme le licenciement) de dispositions de la législation générale plus favorables aux tra­vailleurs, officialisant en outre la pratique de la rémunération à la part, ont été objunmement source

d'avantages et non des moindres pour l'armement, avantages encore accrus par les prescriptions du Ré­gime disciplinaire et pénal renforçant la dépendance hiérarchique des marins (et également par le fait que tout cet ensemble réglementaire,favorable en dernier ressort aux tenants du pouvoir économique - les arma­teurs -,était (et est toujours...) d'ordre public, soumis à ce titre pour son respect, sous peine de sanctions, au contrôle de l'Administration de tu­telle). A cet ensemble de constatations objectives relatives à l'environnement juridique des Gens de Mer et dont il découle que finalement, pour le patronat maritime, le bénéfice retiré

LES INSTITUTIONS DE LA PECHE MARITIME - HISTOIRE ET EVOLUTION - p.348